Les chansons de tradition orale (ou folkloriques, populaires, traditionnelles, etc…) ont souvent été supposées avoir les caractéristiques suivantes :
En fait, il y a dans tout cela autant de vrai que de faux, les faits, l’observation des pratiques se chargeant d’apporter à chaque caractéristique présumée de nombreux contre-exemples invalidant la norme supposée. Les pratiques populaires se moquent des définitions étroites et théoriques.
Et c’est ainsi qu’à l’occasion des collectes, tant anciennes que récentes, on trouve comme devenues parties du répertoire populaire et transmises par l’oralité tout aussi bien des pièces dont l’auteur est connu (des chanteurs eux-mêmes ou de spécialistes), contemporaines, composées aussi bien par des lettrés que de « petites gens », avec ou sans la célèbre patine.
Enfin, l’observation de l’ensemble du répertoire collecté permet de constater qu’un pourcentage important de chants, considérés comme traditionnels, n’est connu que par une seule version (pour cause de déficit de collectage ou de chant tombé en désuétude).
Force est d’admettre que la pratique nous montre que le répertoire de tradition orale est :
L’auteur est inconnu pour la majeure partie des chants.
Toutefois il est intéressant de noter que nombre de chansons éditées au cours des XIXe et XXe siècles sur feuilles volantes, ou dans des ouvrages et des revues sont devenues traditionnelles. Le nom des auteurs est alors souvent révélé soit par une signature, soit par une mention dans le corps de la chanson, soit par des sources extérieures. On constate alors pour ces auteurs la répartition sociale approximative suivante : 30% d’ecclésiastiques, 50% de lettrés ou d’auteurs ayant un certain bagage scolaire, 14% d’auteurs ayant un niveau d’études plus rudimentaire (artisans, agriculteurs, ouvriers…), 6% de mendiants, illettrés ou aveugles…
Il est difficile de dire que cette typologie est la même pour les chansons plus anciennes, d’autant que le niveau de scolarisation a notoirement évolué au cours du XIXe et début du XXe siècle. Par contre certains chants précisent, dans le texte, avoir été écrits par un « clerc ». D’autres montrent des caractéristiques littéraires (traces de poésie savante avec utilisation de l’ancienne technique des rimes internes) qui attestent de l’origine lettrée de leur auteur. Pour certains d’entre eux, on retrouve aussi des vers complets identiques à des poésies lettrées anciennes (XIIe-XIIIe) du domaine celtique insulaire… D’autres correspondent à la version en breton de chants traditionnels du fonds européen ou francophone.
Il est important également de mentionner la poursuite contemporaine du processus de création de nouveaux chants rentrant dans le processus de tradition orale. Les collectes faites de nos jours les trouvent intégrés au reste du répertoire traditionnel. À titre d’exemple on peut citer les chansons de Jo Godivès, de Baud, sur les problèmes paysans des années 1960 et évoquant des figures-phare comme Alexis Gourvennec, ou encore des chants composés par Denez Abernot sur le refus de la centrale nucléaire à Plogoff (1980-81) ou sur les goémoniers…
Pour la majorité de chants, il est impossible de déterminer une date de création. Ceci est particulièrement vrai pour les chansons d’amour ou les moqueries et autres petites chansons. Les sentiments n’ont pas d’âge ! Il faut le hasard d’une chanson retrouvée dans les papiers d’un notaire, Yves le Patézour de Pleubian, pour apprendre qu’elle était réputée être une « gouers nevez » (une nouvelle complainte) en 1652 alors qu’on trouve le même type de production dans les feuilles volantes du XIXe siècle.
Toutefois, la chanson traditionnelle en breton présente des caractéristiques spécifiques que l’on ne retrouve pas, ou moins fréquemment, dans la chanson francophone. Par exemple, il existe de nombreuses complaintes (les gwerzioù) qui racontent des histoires souvent tragiques. Ces chants se caractérisent par un goût de la précision dans les noms de personnes, de lieu ou de date. Les dialogues y ont une place importante. Parfois, il est possible de retrouver l’épisode historique auquel correspond la chanson et l’analyse (linguistique, littéraire ou contextuelle) atteste généralement de la concomitance du chant par rapport aux faits. Cela est particulièrement vrai pour les « gwerz » qui relatent des évènements principalement situés entre le XVe et XVIIIe siècle. On peut citer, à titre d’exemple, les chants suivants : Ar volonter a-enep ar Saozon XVe siècle, Seziz Gwengamp 1489-1591, Pried Fontanella 1602, Loeizig Er Ravalleg 1732…
Par ailleurs, certaines chansons, aujourd’hui de forme et de contenu apparemment anodins, peuvent aussi s’avérer être le recyclage de récits de haute ancienneté – voire mythologiques – qu’on retrouve selon les époques et les continents sous forme de conte, légende hagiographique, exemplum, mythe. Remarquables par la plasticité du récit qui s’avère capable de s’adapter aux changements de civilisations, de religions, de langues et de cultures, de mode d’expression, mais conservant la trame fondamentale du récit… par exemple Breur Yann Girin.